L’Engagement des jeunes dans les organisations de placés et d’anciens placés en protection de la jeunesse au Québec et en France (2015 – en cours)

Chercheuse principale : Isabelle Lacroix (Chaire de recherche du Canada sur l’Évaluation des actions publiques à l’égard des jeunes et des populations vulnérables (CRÉVAJ) /Laboratoire Printemps CNRS-Université Versailles-Saint Quentin/Paris-Saclay).

Co-chercheur.e.s : Isabelle Frechon (Printemps CNRS/UVSQ Paris-Saclay); Martin Goyette (CRÉVAJ/ENAP); Isabelle-Ann Leclair-Mallette (Université de Sherbrooke/CRÉVAJ ENAP); Rosita Vargas Diaz (Université de Montréal/CRÉVAJ ENAP)

Notre projet de recherche vise à comprendre les processus et facteurs d’engagement des jeunes dans des organisations d’entraide de placés et d’anciens placés en protection de la jeunesse au Québec et en France. Comment et pourquoi ces jeunes sortant de placement sont-ils amenés à s’engager dans des organisations d’entraide? Comment ces formes collectives d’engagement peuvent-elles les soutenir dans leur processus d’autonomisation vers la vie adulte? Au croisement d’une sociologie politique, des politiques publiques de protection de la jeunesse et d’une littérature sur la transition à la vie adulte des jeunes placés (Stein, Munro, 2008; Goyette, Frechon, 2013), notre projet de recherche s’inscrit dans la lignée de travaux portant sur les contraintes et les conditions de l’émergence de l’engagement des jeunes en situation de marginalité (Greissler, 2010, 2013) ou en difficulté (Becquet, Goyette, 2014).

La transition à l’âge adulte représente une étape de vie ardue pour la plupart des jeunes. Cependant, plusieurs facteurs rendent cette transition particulièrement difficile et brutale pour les jeunes sortant d’un placement en protection de la jeunesse. Contrairement à la tendance actuelle selon laquelle les jeunes vivent avec leurs parents de plus en plus longtemps, les jeunes qui sortent de placement doivent devenir auto-suffisants plus rapidement, puisque les services de protection se terminent généralement dès l’atteinte de la majorité. Cette injonction à l’autonomie et à l’indépendance ne tient pas compte des vulnérabilités que présentent ces jeunes, qui ont souvent été victimes de mauvais traitements dans leur enfance, qui ont vécu le trauma d’être séparés de leurs parents, et qui présentent plus de problèmes de santé mentale, d’abus de substance et de problèmes de comportement que les jeunes n’ayant pas vécu de placement. Au moment de sortir de placement, ces jeunes possèdent moins de ressources que la majorité des jeunes, ayant généralement moins d’années de scolarité, peu ou pas de contacts avec leur famille et un faible réseau de soutien social. À ces facteurs s’ajoute le contexte de vie des milieux de placement qui favorise peu le développement de l’autonomie et de l’indépendance dont ont besoin ces jeunes au moment de leur sortie de placement.

Malgré ces constats, peu de services formels sont offerts pour préparer et soutenir les jeunes sortant de placement. Les organismes d’entraide par et pour les jeunes ayant vécu un placement constituent une des façons de combler ce manque de services. Dans le cadre de notre recherche, qui se veut une étude comparative entre la France et le Québec, des jeunes ont été interviewés sur leur trajectoire de placement, leur transition à la vie adulte ainsi que leur trajectoire d’engagement dans un organisme d’entraide par et pour les jeunes ayant vécu un placement. Notre étude se base également sur des observations de terrain des activités mises en place par ces organisations en France et au Québec ainsi que sur une revue de leur documentation interne et à destination de l’espace public. Cette recherche permettra de décrire les raisons qui mènent les jeunes à s’engager et à maintenir leur engagement dans ses organisations, ainsi que les effets de leur engagement sur leur transition à la vie adulte. Les résultats de cette recherche veulent également alimenter la réflexion sur l’espace qui est réservé aux jeunes placés et sortant de placement pour faire entendre leur voix et visent à sensibiliser différents acteurs des systèmes de protection de la jeunesse, en France et au Québec, sur le développement d’outils et de programmes d’intervention qui favorisent l’engagement des jeunes à tous les niveaux du système.